Voyage au centre de la pierre

Un artiste du patrimoine

Portrait de Philippe GUERIN, Les Tailleurs de Pierre.
Un entretien empreint d’humanité avec souvenirs, projets, parti pris…

De Felletin dans la Creuse aux six coins de l’Hexagone…

…pour un tour de France indépendant jusqu’à une «  formation  à la restauration et à la conservation du Patrimoine Architectural » sous l’égide du Conseil de l’Europe  centre de formation  ProvenetiaViva à Venise, le parcours de Philippe Guérin  est multi facettes et passion.

Né dans le bâtiment avec une forte hérédité artisanale (grand-père charpentier et père maçon), son attraction pour la pierre le conduit à aborder l’ensemble des aspects du métier.

Conception, études, dessin, connaissance des matériaux et usages régionaux, pose, autant d’approches maitrisées de cette profession !

Après des expériences en entreprises Monuments Historiques, dans une Marbrerie, il devient bientôt chef d’équipe et appareilleur (chef du chantier de taille de pierre).

En 1985 le temps était venu de développer une activité autonome d’abord au sein de l’entreprise paternelle puis à son compte.

Aujourd’hui Philippe Guérin est un homme toujours aussi admiratif et passionné par ce matériau, son expressivité, « un matériau qui me fait vibrer tant par ses qualités techniques qu’esthétiques ».

Quel est votre meilleur souvenir professionnel lors de votre périple de formation ?

La réfection d’un fenestrage dans une église  du village médiéval de Souvigny, dans l’Allier…un vrai challenge et une amicale compétition avec mon Maitre de l’époque qui avait rénové un premier élément  identique.  Redessiné, difficile à mettre en œuvre, j’ai réussi à l’installer en seulement trois semaines : une semaine de moins !

La pierre vous a toujours fasciné, pourquoi ?

Avant tout c’est un matériau naturel, qui vit vraiment…

Un bloc, c’est fabuleux  on l’étudie, on essaie de le comprendre, on le  transforme, on le taille et il devient un élément indispensable de l’édifice. Cela nous rappelle que l’on n’est jamais rien sans les autres…

Plus c’est compliqué, plus c’est passionnant. Le tracé d’une voute, qui semble si simple mais en réalité est très complexe, c’est remarquable.

Juste un trait et derrière, des connaissances, un travail fait de précision et une maitrise discrète aussi bien  pour de petits monuments que des constructions prestigieuses.

La chaux, une complémentarité logique ?

Nous, la chaux, on l’a toujours utilisée ! La chaux aérienne bien sûr, pour les maisons ou les cathédrales…Il y a toujours eu un lien direct avec la pierre, on ne peut pas la maçonner, l’exprimer sans chaux aérienne.

J’adore ce matériau doux au toucher, pour sa plasticité, sa polyvalence. On peut réaliser des fresques, protéger la pierre, faire des frises, des dessins.

Tailleur de pierre et applicateur  de béton de chanvre, un goût pour les matériaux naturels, une anticipation sur l’avenir ?

Ici on retrouve des techniques précédemment utilisées mais en plus contemporain. Le béton de chanvre est un matériau novateur qui a des qualités extraordinaires en termes de thermique, d’isolation. Il ne pollue pas, il ne sent pas mauvais, il démontre un vrai recyclage. Beaucoup de choses sont encore à faire en matière d’environnement. Il complète parfaitement la pierre en rénovation.

Votre atelier, un modèle du genre ?

Je l’espère mais surtout il est fonctionnel et convivial. Un des objectifs était de créer les meilleures conditions de travail pour mes compagnons afin  de proposer une vraie qualité de fonctionnement.

Isolé thermiquement et phoniquement  pour éviter les résonnances fatigantes, il est divisé en plusieurs activités distinctes (débit, taille, marbrerie), ce qui n’est pas l’usage, mais cela s’avère bien plus confortable ! Au-delà de la qualité des machines, l’atelier est équipé d’une cabine d’aspiration pour mettre hors poussière l’ensemble des intervenants du site.

Votre prochain chantier ?

La restauration d’un château du XVᵉ encore entouré de douves, dans le Loir et Cher. Une précédente restauration avait été effectuée avec des enduits à base de chaux hydrauliques inadaptées. Résultat : des remontées capillaires, des auréoles et dégradations peu esthétiques.

J’utiliserai d’ailleurs du Tradical® PZ de BCB dédié aux remontées capillaires mais il faudra beaucoup travailler, gratter, nettoyer…

Une anecdote ?

Une réflexion émouvante d’une cliente…qui m’a vraiment touché :

Un bel escalier en pierre sur 4 étages avait été sauvé et il fallait l’insérer dans un tout aussi beau château. Tâche difficile et formidable car l’escalier avait été conçu pour un volume ovoïde alors que le nouvel espace disponible était de forme carrée ! Un an après je suis retourné sur les lieux et la cliente m’a proposé gentiment «  Venez voir votre escalier !»  Cela ne s’oublie pas !

Exemple de référence chantier